Avec Julien Duranceau, il y a matière à réfléchir, et plus encore, matière à agir. Le cofondateur de La Matière, association puis entreprise de design et fabrication basée dans l’agglomération rochelaise, porte avec conviction un projet d’économie circulaire particulièrement stimulant.

TDE : Comment a débuté l’aventure de La Matière ?
Julien : La Matière a d’abord été une association, que j’ai créée en 2014, avec un ami, Pierre-Hugo Barbançon. J’avais plusieurs expériences de management, Pierre-Hugo, lui, venait du design. Notre idée était de mettre sur pied un atelier de design reposant sur l’éco-conception, et notamment l’« upcycling », c’est-à-dire le réemploi de matériaux, dans une logique d’économie circulaire : plutôt que de jeter, on réutilise. Nous voulions créer un atelier ouvert, créatif, participatif, où chacun puisse venir avec sa motivation, ses idées, son savoir-faire. Pour nous permettre de proposer nos créations à la vente, l’asso s’est doublée d’une entreprise en 2017, mais l’esprit est resté le même. On aime être « multi-tâches » : on peut prendre en charge le design d’un produit ou d’un espace, mais également juste assurer sa fabrication, ou la seule mise à disposition de matériaux, comme du bois, du cuir, etc. La Matière anime aussi des ateliers de sensibilisation et de fabrication, ainsi que du conseil et de l’accompagnement en économie circulaire, auprès d’entreprises et de collectivités.

TDE : Comment se présente La Matière ?
Nous sommes une petite équipe de designers, concepteurs, menuisiers, installés dans un atelier de 200 m², dans une pépinière d’entreprises de la Communauté d’Agglomération de La Rochelle, sur la commune de Périgny. Nous avons un espace de bureau, pour la conception et le design, un espace de stockage des matériaux récupérés, que nous appelons notre « matériauthèque », accessible aux adhérents de l’association, et un espace d’atelier, équipé de machine-outils. Nous disposons également d’un camion équipé, pour proposer des ateliers itinérants ou travailler sur des chantiers.

TDE : Quels types d’usagers font appel à vous ?
Il peut s’agir de particuliers qui souhaitent réaliser un meuble, par exemple, et qui adhèrent à l’association. Plusieurs cas de figures sont possibles : les gens peuvent avoir juste une idée mais ne pas savoir, concrètement, comment la réaliser et nous les aiderons alors à concevoir et à fabriquer ce meuble. Mais ils peuvent aussi être plus ou moins bricoleur, disposer ou non des outils adaptés et notre rôle alors sera simplement de leur fournir les conseils, les matériaux ou les outils dont ils ont besoin. Mais nous travaillons aussi avec des organisations – associations, collectivités, entreprises – qui font appel à nous pour concevoir un projet ou un espace. Nous avons ainsi déjà conçu et fabriqué des scénographies pour des zones d’accueil conviviales pour un festival, ou aidé à la co-construction d’un bar associatif, ou encore réalisé la nouvelle déco d’une médiathèque municipale, en « redesignant » totalement l’ancien mobilier dont elle pensait se débarrasser.

TDE : Quelles doivent être les qualités d’un entrepreneur ?
Il faut savoir créer son réseau, être capable de fédérer les acteurs d’une filière, créer des liens, des synergies. Je dis parfois que j’orchestre un écosystème. En dehors de l’atelier, une partie de mon travail consiste à convaincre des acteurs locaux – entreprises ou collectivités – que non seulement, ils disposent de ressources insoupçonnées (des palettes de bois, des bâches, du vieux mobilier, du tissu…), mais qu’en plus, ces ressources peuvent être très utiles à d’autres acteurs qui se trouvent à côté de chez eux. Une des clés de la démarche d’économie circulaire passe dans la connaissance mutuelle de ces ressources et de ces besoins, et dans la mise en relation des acteurs entre eux.

TDE : Quelle est votre plus grande fierté d’entrepreneur ?
Les idées de La Matière infusent lentement, sur le territoire et au-delà. Nous travaillons à la fois avec des particuliers, bricoleurs ou non, avec des associations, des entreprises d’insertion, des jeunes en formation, des collectivités, des entreprises… et chacun, à son échelle, se fait ambassadeur de l’économie circulaire. Fabriquer quelque chose, c’est très concret, cela redonne souvent du sens, tant à la création qu’au créateur. Créer et fabriquer soi-même un objet, à partir de matériaux que l’on a été collecter localement, remet souvent en perspective – voire remet carrément en question – nos manières de consommer et de jeter. Cette prise de conscience est très gratifiante pour moi.

TDE : Quels conseils donneriez-vous à un jeune entrepreneur ?
Nous recevons souvent à l’atelier des étudiants en écoles de commerce ou en management de l’environnement. Ce sont les entrepreneurs de demain et j’essaie de les convaincre qu’il leur faut intégrer dans leurs projets ce type de démarches économiques ET écologiques, qui ont du sens, et qui donnent du sens au fait d’entreprendre. Davantage que le think-tank, j’essaie de promouvoir auprès d’eux, et de tous nos autres partenaires, le do-tank, c’est-à-dire l’apprentissage en faisant.

Merci circulaire, Julien, et longue vie à La Matière !

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