Du haut de cette commanderie, neuf siècles d’histoire les contemplent : Sylvie et Régis Veillat sont propriétaires de la Commanderie templière de Cenan, à Saint-Pompain (79). Le bâtiment a été retenu par la « Mission Patrimoine » de Stéphane Bern. Rencontre avec Sylvie, gardienne du temple…

Crédit photo : Thierry Rocquet

 

Sylvie, pouvez-vous nous raconter votre histoire avec cette commanderie ?

La « maison forte » et les bâtiments d’habitation attenants sont dans notre famille depuis quatre générations. Ils ont été acquis par l’arrière-grand-père de mon mari, pour y établir sa ferme. Le grand-père de mon mari, puis son père, y ont vécu, et nous y vivons actuellement. Le bâtiment principal de la commanderie – la grande bâtisse visible dans le paysage – a été un espace lié au travail de la ferme et servait notamment pour le stockage du grain. Même si ce n’était pas son affectation d’origine, cela a contribué à son entretien et son maintien en état, sans toucher à sa structure. Quand mon mari et moi avons repris l’ensemble il y a maintenant onze ans, notre volonté a été de restaurer ce bâtiment principal, qui est remarquable mais nécessite d’importants travaux de rénovation, afin de témoigner de ce que fût cette commanderie dans l’histoire locale.

 

Que sait-on de l’histoire de cette commanderie ?

Il faut d’abord se représenter que la bâtisse actuelle faisait partie d’un ensemble bien plus vaste de constructions, construit au XIIe siècle – aussi vieux que Notre-Dame de Paris donc –  ensemble qui dépendait lui-même de l’Abbaye de Nieul-sur-l’Autise et formait avec son annexe de Sainte-Gemme, en Vendée, l’une des quatre « chambres prieurales » du Grand prieuré d’Aquitaine. C’était un ensemble à vocation religieuse, qui appartenait à l’ordre des Templiers, ce que l’on appelle une « commanderie ». C’était pour l’époque une grosse commanderie, qui abritait tout un village de moines-soldats et dont l’influence s’étendait sur tout le marais. Sa situation sur une butte permettait d’embrasser du regard toute la région. La bâtisse actuelle, la « maison forte », a d’ailleurs des allures de forteresse, propre à une fonction défensive. Mais l’influence des Templiers déplaisait aux rois d’alors et l’ordre fut dissout au XIVe siècle. Les biens devinrent propriété de l’ordre des Hospitaliers. Le bâtiment a connu plusieurs modifications et ajouts au cours de l’histoire : ajout des tours, rehaussement d’un niveau, création d’ouvertures, etc. Après la Révolution, le bâtiment et le domaine furent vendus comme bien national et acquis par la famille Méchain pour un usage d’habitation. Certains bâtiments de la commanderie, comme la chapelle, ont disparu au fil du temps, mais le bâtiment principal a, lui, conservé son aspect originel.

 

Comment se présente ce bâtiment ?

C’est un bâtiment d’une hauteur de dix-huit mètres, ce qui le rend remarquable dans le paysage plat du marais. Il comprend originellement un soubassement et un étage mais le bâtiment a été surélevé de deux niveaux supplémentaires, flanqués de deux tours. Un escalier à vis logé dans une tour carrée permet d’accéder aux étages dont le premier comme le rez-de-chaussée est voûté. Le second et le troisième étage sont pourvus de pièces inégales, avec des cheminées et des fenêtres à coussièges.

 

Crédit photo : Thierry Rocquet

Actuellement, quel est l’état de la commanderie ? quels sont les postes de rénovation les plus urgents ?

Actuellement, l’état général de la charpente est catastrophique, avec un risque réel d’effondrement, et une détérioration possible du reste du bâtiment. Il faudrait remplacer intégralement 300 m² de toiture, qui est déjà effondrée par endroits. Mais, de par son ampleur et sa dimension patrimoniale, cette rénovation représente un chantier hors-normes, sur lequel on ne peut pas faire n’importe quoi, n’importe comment. Il y a une volonté de l’Architecte des Bâtiments de France d’inscrire la commanderie au titre des Monuments historiques mais c’est une procédure relativement longue, qui demande des expertises, des dossiers, des commissions… avant de pouvoir prétendre à des aides. Notre crainte est que la toiture et la charpente ne supportent pas une attente trop longue. Il y a urgence à agir.

 

Justement, la commanderie a été retenue pour la «Mission Patrimoine » de Stéphane Bern. Qu’est-ce que ça peut changer pour vous ?

C’est une très bonne nouvelle pour nous. Concrètement, les gains espérés de ce « loto du patrimoine » pourraient nous permettre d’entreprendre rapidement les travaux de restauration de la charpente et de la toiture. Mais au-delà de cette conséquence immédiate, l’intérêt de la Mission Patrimoine place aussi la commanderie sous les feux des projecteurs et ravive l’intérêt des acteurs locaux pour ce bâtiment. Nous avons vu une certaine fierté des habitants à ce que l’on parle de Saint-Pompain, via la commanderie. C’est un cercle vertueux : les gens manifestent de l’intérêt pour découvrir ou visiter le bâtiment et nous pouvons alors les informer des travaux à entreprendre. Le bâtiment est trop dangereux actuellement pour envisager ces visites, mais le « buzz » créé par le loto du patrimoine permet de relayer nos propres initiatives en faveur de la commanderie, comme la cagnotte participative que nous avons créée sur Leetchi. Le loto permet de toucher bien plus de monde que nous ne le pourrions seuls.

 

Si, comme on l’espère, la loterie permet la rénovation du bâtiment, la commanderie a-t-elle vocation à s’ouvrir au public ?

Régis et moi sommes tous les deux des amoureux de ces pierres et notre souhait est de communiquer notre passion pour ce bâtiment et cette histoire à d’autres amateurs. Il est très clair que le bâtiment est aujourd’hui trop dégradé pour envisager une ouverture, même limitée, au public. Mais après une rénovation et une mise en sécurité, une ou plusieurs visites seront évidemment organisées et on peut tout-à-fait envisager des ouvertures ponctuelles lors des Journées du Patrimoine par exemple, ou encore pour des vernissages.

 

Comment peut-on vous aider pour la réalisation de votre projet ? Y a-t-il un site, une page facebook où l’on peut suivre l’avancée de ce projet ?

Oui, nous avons une page facebook, « Commanderie templière de Cenan », et nous avons également ouvert une cagnotte participative sur Leetchi, « Un toit pour la commanderie de Cenan ».

 

Merci Sylvie, et bon courage pour la suite de ce très beau projet !