Place touristique et station balnéaire, Royan, ville de Charente-Maritime, est reconnue internationalement et a été fréquentée par quelques personnages publics connus, tels que Picasso ou Jacques-Henri Lartigue. Classée « Ville d’art et d’histoire », Royan s’impose avec un patrimoine culturel et religieux riche grâce à ses quartiers Belle Époque, ses plages ou son port de plaisance. D’ailleurs, un détour par son église Notre-Dame à l’architecture moderne assumée serait l’occasion d’en prendre plein les yeux. Mais d’où est venue l’idée de cette structure décalée, contrastant avec les architectures que l’on connaît ?

 

Le choix audacieux d’un édifice moderne

Tout commença sous l’Occupation, Royan était alors prise par les Allemands. À la suite de nombreux bombardements dévastateurs en 1945, la ville fut réduite en cendres, faisant d’énormes dégâts humains et matériels. Ce schéma était visible dans toute la France où la Seconde Guerre mondiale fit des ravages dans de nombreuses villes et détruisit pas moins de 4 000 édifices religieux, donnant lieu à la reconstruction de certains. C’est alors qu’apparurent dans les premiers croquis des styles architecturaux plus modernes, introduisant des innovations récemment élaborées au regard des matériaux et des structures.

 

Un projet ambitieux

Pour reconstruire la nouvelle église de la ville, le maire royannais de l’époque, Max Brusset, mit en place un concours afin de sélectionner la meilleure proposition de croquis. Une petite difficulté fut imposée aux architectes. En effet, le maire souhaitait redorer le blason de la ville et montrer que Royan était toujours debout. Pour cela, il éprouva le besoin d’avoir une église verticale surplombant la ville et dans la direction de Dieu. Ce fut l’architecte Guillaume Gillet, épaulé par Marc Hébrard et de nombreux ingénieurs, qui eut le privilège de rebâtir l’église. Les travaux débutèrent en 1955 pour se terminer en 1958. Il faut savoir que le projet ne disposait pas d’un budget astronomique, ce dernier permettait de couvrir uniquement le gros-œuvre.

Ainsi, les premières pierres furent posées et les premières dalles coulées. Le croquis pensé par Gillet était unique ! Toujours dans un ancrage gothique avec une structure en quête spirituelle de la lumière, l’architecte imagina une église faite de béton armé, brut de décoffrage, renouvelant l’art sacré des années d’après-guerre. Afin d’avoir un espace intérieur aéré et ouvert, l’un de ses ingénieurs, Bernard Laffaille, inventa une ossature en forme de V faite de poteaux en béton armé ainsi que de grandes verrières dont l’objectif était de soutenir la structure de l’église. Cette base fut reprise par la suite pour de nombreux bâtiments industriels d’après-guerre. Sa nef de 35 m de haut, surmontée d’un clocher hissé à 56 m, respectait alors le désir d’affirmer la présence de cet édifice aux yeux de la ville et de ses alentours.

 

eglise notre dame royan

 

Un monument planté entre tradition et modernité

Poussant sa réflexion au maximum, Guillaume Gillet a construit son œuvre bétonnée de manière à conserver l’orientation de base d’une église, c’est-à-dire le chœur à l’est et le parvis religieux à l’ouest. D’ailleurs, en raison de ce grand espace intérieur, la capacité d’accueil de l’église lors de grands événements religieux peut être de 2 000 personnes dans la nef et le chœur. On peut aussi voir un ensemble de vitraux exceptionnels à la conception inédite parsemés sur tous les murs de l’église et réalisés avec une extrême minutie. En effet, les joints faits de béton ont été incrustés de petits bouts de verre dans un souci de transmission de lumière et de réception acoustique, paraît-il. Il est possible de contempler le vitrail de l’Assomption dans le chœur de l’église. Inauguré en 1984, un orgue majestueux de 47 jeux et 3 600 tuyaux fut construit grâce aux dommages de guerre puis aux dons des paroissiens. Il a été classé monument historique en 2006.

Pour habiller l’église et faire vivre l’histoire de la religion catholique, des œuvres d’art, telles que la Vierge noire en bronze de Gaston Watkin, une statue moderniste en métal à l’effigie de Jeanne d’Arc ou encore une statue de Nadu Marsaudon représentant sainte Thérèse, y sont exposées. La fusion entre ses représentations religieuses artistiques et de cette structure novatrice à l’architecture moderne fait de ce projet un chef-d’œuvre entre tradition et modernité. C’est pourquoi il fut classé monument historique en 1988 et labélisé « Monument du xxe siècle ».

 

Que devient Notre-Dame de Royan ?

Ce symbole religieux traditionnel et moderne à la fois est toujours debout, mais il est en train de se détériorer. Pour quelle raison ? La structure de béton armé initiale utilisée était de mauvaise qualité à cause du budget serré qui y fut alloué. Elle en fait les frais maintenant, car le béton se désagrège avec l’impact du vent marin et du sel de mer. Des restaurations ont déjà été entreprises en 2013 et ont perduré sur plus de 3 ans. Les conservateurs en ont profité pour donner un petit coup d’éclat aux innombrables vitraux ainsi qu’à l’orgue, au clocher et au beffroi. Notons que cet édifice magistral abrite depuis 1996, sous le déambulatoire, le tombeau de son concepteur, Guillaume Gillet, pour qui Notre-Dame de Royan est un chef-d’œuvre.