À 36 ans, Alexandra Beauffreton, paysagiste dans les Deux-Sèvres, vient de recevoir le Prix national « Madame Artisanat » organisé par le réseau des Chambres de métiers et de l’artisanat. Retour avec elle sur un parcours entrepreneurial exemplaire.

Alexandra, comment est née votre histoire avec les jardins, et quel a été votre parcours ?

Je suis originaire de la Gâtine et j’ai baigné dans ce paysage. Est-ce que ça a joué dans cette vocation ? Toujours est-il que lors des réflexions sur mon orientation en classe de 3e, un certain nombre de critères montraient des dispositions pour le métier de paysagiste. Ce n’était pas forcément une voie qui me parlait – le métier n’était pas très connu – mais j’ai décidé de la suivre et je me suis lancé avec détermination. J’ai d’abord passé un BEP à Niort, pour un Bac pro à Bressuire, et enfin mon BTS à Angers. Je me suis ensuite formé professionnellement auprès de plusieurs employeurs, mais je sentais bien que j’attendais de pouvoir faire mes preuves par moi-même. À 24 ans, en 2011, j’ai décidé de créer ma propre entreprise, les Jardins du Moulin, à Vausseroux dans les Deux-Sèvres.

Quels sont les domaines d’intervention de votre entreprise ? Sur quel secteur géographique et avec quels effectifs ?

L’entreprise intervient pour la création et l’entretien des parcs et jardins, pour les particuliers et les entreprises, principalement sur le territoire de la Gâtine. Je suis attachée à cette échelle locale. L’entreprise est agrée dans le secteur de l’aide à la personne, ce qui permet aux particuliers de faire appel à nos services avec des conditions fiscales avantageuses. Actuellement, les Jardins du Moulin comptent six salariés, dont un apprenti, et moi. Mon mari, qui est menuisier, a rejoint l’entreprise à la naissance de nos filles.

Quelle est votre « marque de fabrique » ? Y a-t-il une « identité paysagère » qui caractérise les Jardins du Moulin ?

Pour moi, le métier de paysagiste, c’est d’abord et avant tout, beaucoup d’écoute et de dialogue avec les clients. Je discute avec eux de leur projets, de leurs envies… et de leurs moyens. Je ne veux pas les emmener dans des projets pharaoniques. La phrase que je me répète – et que je leur répète ! – c’est « ce que je ferais si c’était pour moi… » Cela permet de rester les pieds sur terre, avec des projets qui correspondent aux attentes. Dans ce cadre, je suis très attentive, et très exigeante, quant à la qualité de notre travail, en matière de propreté des chantiers et de finitions. Pour cela, je suis également très attachée à créer et entretenir une bonne ambiance dans l’entreprise, de lui donner une dimension familiale, en impliquant systématiquement mes salariés dans tous les projets, en les informant de tout. C’est moi qui endosse la direction et la responsabilité des projets, mais je cherche à ce que l’on garde cette proximité. C’est pour moi une bonne façon de bien travailler.

Quelles sont actuellement les demandes en matière de jardins ?

Les demandes évoluent avec les modes de vie, avec parfois des aspirations contradictoires. Les gens sont demandeurs d’espace, mais ils n’ont pas beaucoup de temps. Donc j’entends fréquemment que les gens veulent des jardins, même sur de petites surfaces, mais qu’ils souhaitent aussi un entretien facile. Pour cela, les gens sont en attente de nos propositions et de nos conseils. Dans ce sens, c’est un peu nous qui faisons évoluer les demandes, en exposant différentes options. Ma phrase-fétiche « Ce serait pour moi… » sert beaucoup dans ces cas-là, pour aider les clients dans leur prise de décision. Mais, sur certaines demandes très précises, même si elles ne vont pas dans le sens de ce que nous aurions fait, nous répondons évidement à la commande.

Quel est le bon moment de l’année pour faire appel à vos services ?

Dans ce métier, il y a un élément dont on ne peut pas faire abstraction : les saisons. À la différence d’autres métiers d’artisans, on ne peut pas enchaîner les chantiers sans tenir compte des conditions extérieures. On ne plante pas n’importe quand, au risque de faire n’importe quoi et de perdre une année. Sur une création, le maître-mot c’est donc l’anticipation. Le mieux, c’est quand on peut mettre en forme un projet avec un client en automne et en hiver. Cela permet de définir et d’organiser les espaces, de préparer le terrain, d’effectuer les plantations au bon moment. Il peut arriver que les gens soient pressés. Ils souhaiteraient un résultat immédiat. Mais la nature a ses propres rythmes, qu’il nous faut accepter. Cela fait partie de notre travail d’expliquer que le résultat de notre intervention ne donnera sa pleine mesure que dans quelques mois. Les gens comprennent.

Vous venez d’être récompensée par le Prix « Madame Artisanat ». Comment accueillez-vous cette distinction ?

J’en suis ravie. Si des prix de ce genre peuvent contribuer à montrer aux femmes – et notamment aux jeunes femmes – qu’elles sont parfaitement légitimes à exercer leurs talents dans les métiers de l’artisanat, je suis très contente d’y participer. Pour moi, il est important de montrer qu’il n’y a pas d’échec, il n’y a que des expériences. Les femmes peuvent prendre toute leur part dans la création d’entreprises artisanales. De manière générale, ce que je défends avant tout, c’est la mixité des compétences. Nous ne sommes pas tous et toutes parfaitement égaux face à certaines tâches, mais j’aime quand les compétences se complètent, et quand cela créé une mixité.

En tant que femme, paysagiste, cheffe d’entreprise, avez-vous parfois rencontré des obstacles ?

Les obstacles, je dirais que je les ai rencontrés quand j’étais plus jeune. Il n’y a jamais eu de problèmes avec mes collègues garçons, personne n’a jamais franchi de limites, mais il y a eu parfois des réflexions un peu « lourdes ». Quand on est jeune, en apprentissage, on peut se sentir intimidée pour répondre à certaines remarques. Je crois que ça évolue. D’une part, les jeunes femmes se sentent plus aptes à répondre, le contexte actuel leur montre qu’on ne doit pas accepter n’importe quoi ; d’autre part, je pense que les hommes commencent aussi à comprendre qu’ils ne peuvent pas tout se permettre. Sur ces questions, aujourd’hui, pour moi, ça va. Sans doute qu’être une femme m’a parfois obligée à être à 200 %, mais finalement, je pense que ça a contribué à me faire accepter. Et je dirais même que ça peut être désormais un atout d’être une femme, car les demandes d’espace et de jardin viennent de plus en plus souvent de clientes.

Qu’est-ce que vous préférez, dans les diverses tâches de votre métier ?

La création. Être sur un projet du début à la fin, des premières discussions avec les clients jusqu’aux dernières petites tailles sur les plantes et les arbustes, c’est quelque chose de très gratifiant. C’est le côté plaisant d’être cheffe d’entreprise, on a cette visibilité globale sur toutes les phases d’un projet. Mais j’aime aussi soigner les détails, faire en sorte que nos chantiers soient propres et que nos jardins soient bien entretenus.

Quel message, ou quels conseils, aimeriez-vous faire passer à un jeune qui hésiterait à embrasser ce métier ?

Je lui dirais que l’artisanat et la création d’entreprise sont de bonnes expériences, riches,  épanouissantes, et qu’il ne faut pas hésiter à se lancer. Comme je l’ai dit, il n’y a pas d’échec, il n’y a que des expériences à tirer. Personnellement, je ne regrette à aucun moment les choix que j’ai faits.

Enfin, question subsidiaire : avez-vous une plante préférée, que vous cherchez discrètement à intégrer dans tous vos projets ?

(rires) Non, je n’ai pas de plante préférée. Je suis attentive aux ambiances, aux formes, aux courbes, mais je ne cherche pas à imposer une plante plutôt qu’une autre. Chaque jardin doit avoir son identité.

 

Merci Alexandra ! Félicitations pour votre prix, et bonne continuation avec les Jardins du Moulin !

Les Jardins du Moulin / Alexandra Beauffreton, paysagiste

La Constantinière – 79420 Vausseroux

05 49 63 22 59 – 06 84 46 95 66

paysagiste.jarindsdumoulin@orange.fr