Jean de Lattre de Tassigny fait aujourd’hui parti de ces noms que l’on associe aux héros de la Seconde Guerre mondiale. Grand soldat et commandant respecté, cet homme fut de toutes les batailles, accompagna de Gaulle dans l’armée de Libération, mais prit aussi la tête de troupes américaines à la suite du débarquement de 44. Pour Jean de Lattre de Tassigny comme pour beaucoup d’autres, les sources de sa grandeur sont avant tout à chercher dans ses origines régionales.

 

Mouilleron-en-Pareds, un village pas comme les autres en Vendée

Mouilleron-en-Pareds est aujourd’hui un village rattaché au village voisin de Saint-Germain, formant depuis 2016 Mouilleron-Saint-Germain. C’est une étape de plus dans le drôle de destin de la ville qui a forgé sans nul doute celui de ce Maréchal de France.

C’est en effet là qu’est né de Lattre de Tassigny, le 2 février 1889. Quelques décennies plus tôt, c’était le Président du Conseil, Ministre de la Guerre puis de l’Intérieur Georges Clemenceau qui naissait aussi dans ce petit village. On pourrait y lire le fruit du hasard. On peut y lire aussi les racines d’un territoire qui a su forger des caractères, des tempéraments et des destinées qui ont donné l’opportunité à des personnes comme Clemenceau ou de Lattre de Tassigny de s’illustrer aux plus hauts sommets de leurs compétences. Clemenceau sera au pouvoir à la fin de la Première Guerre, de Lattre ira à Berlin signer la reddition allemande lors de la Seconde Guerre mondiale, après des batailles héroïques. Il n’y a pas de hasard.

À cette époque, les histoires des Guerres de Vendée, de la toute fin du XVIIIe siècle, sont encore dans la mémoire collective, faisant des Vendéens des hommes bercés par des récits de grandeur. Entre le bocage et la plaine, entre les royalistes et les républicains, catholiques et protestants, Mouilleron-en-Pareds est au centre de cette agitation, de ces trajectoires. Cela a donné deux caractères forts comme celui de De Lattre et de Clemenceau, caractérisés par la persévérance et le sens de l’engagement.

La ville de Mouilleron-en-Pareds a donné, avant Jean, une autre figure symbolique et représentative de la force qui naît de ce territoire. Ce visage n’était nul autre que celui de Roger, le père de Jean, qui fut maire de la ville entre 1911 et 1956, jusqu’à l’âge avancé de 101 ans.

 

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De Lattre et Clemenceau, deux visions de la France, un même sang vendéen

Né d’une grande famille de la bourgeoisie, Jean de Lattre poursuit de hautes études en région parisienne, à l’École Navale puis Saint Cyr puis enfin Provins et Saumur. Mais avant les honneurs et les médailles, c’est avant tout un enfant du bocage vendéen, un gamin que le père et grand-père auront bercé des histoires de la révolte vendéenne. Il connaît ces héros méconnus ailleurs, comme Charette ou Cathelineau, qui ont pourtant fait l’histoire et le caractère de la région. Ces récits forgent le tempérament, font travailler l’imagination. Et ils donnent une direction qui s’inscrit dans l’âme comme dans le sang.

Et si Jean grandit à Mouilleron-en-Pareds, c’est aussi la ville de naissance de Clemenceau. S’il était né durant ces guerres de Vendéennes, il aurait été exactement à l’autre bout du spectre, lui le républicain, le laïcard farouche. Il fut longtemps malmené en Vendée, faisant de lui pour ses idées un invité dont on ne voulait pas. Jusqu’à ce que son tempérament lui permette d’accéder au pouvoir à la fin de la Première Guerre mondiale. On lui donna alors le surnom de Père la Victoire. Clemenceau ne fut pas bercé d’histoires des héros vendéens. Ceux de sa famille s’appellent plutôt Saint Just et Robespierre, une autre ambiance dans le château familial.

Mais entre les deux hommes, la même recherche de la justice, la même capacité à s’impliquer totalement dans leur combat. Les deux hommes se sont d’ailleurs rencontrés sous l’égide du père de Jean à Mouilleron même en 1921, un peu plus d’une année après que le Tigre se soit retiré de la vie politique. C’était le jour où Clemenceau fut accueilli en héros, où la Vendée d’hier et celle d’aujourd’hui se sont réconciliées. Mais ces deux-là s’étaient déjà rencontrés en 1914, et la légende fait dire à Clemenceau à propos de cet échange : “Regardez-le bien, celui-là, et souvenez-vous de lui. Il ira loin, très loin.”

 

Une vie de caractère et d’héroïsme

Cette enfance, ce bocage vendéen, cette Histoire si particulière de la région, tout cela a forgé le caractère exceptionnel de Jean de Lattre de Tassigny. C’est dès la Première Guerre mondiale qu’il fait les preuves de son héroïsme avec un engagement total, dont il tira 5 blessures de guerre, mais aussi 8 citations. Il reçut entre autres la Légion d’honneur en 1914 à seulement 25 ans et la Military Cross de la part des alliés britanniques. Présent sur la guerre du Rif au Maroc dans les années 20, c’est surtout dans les années 40 qu’il s’illustre avec de grands faits d’armes, à commencer par rejoindre de Gaulle après avoir été fait prisonnier. Menant les armées après le débarquement en Provence, on le retrouve aussi à la tête de grandes unités de l’armée américaine. Il sera envoyé aussi en Indochine, où il sera nommé gouverneur, avant de revenir en France. Un cancer de la hanche l’emporte au mois de janvier 1952.

Il laissera une France en deuil, et une Vendée orpheline de l’un de ses plus grands enfants.