C’est une belle histoire de reprise d’entreprise. Fin 2020, les Chaussures de Gâtine ont bien failli disparaître, et avec elles plus de soixante ans d’un savoir-faire artisanal reconnu. C’était sans compter sur Clémence Nerbusson et Sophie Brulé, qui reprennent et relancent la marque.

 

Sophie, avant cette reprise des Chaussures de Gâtine, quels ont été vos parcours respectifs ?

Clémence, titulaire d’un C.A.P. de cordonnier-bottier, avait créé sa propre fabrique, Fleur de Souliers, ici dans les Deux-Sèvres. Pour ma part, je viens de la région parisienne et j’ai créé ma société de conseils à Niort en 2014. Nous nous sommes associées il y a deux ans pour développer Fleur de Souliers, à partir de nos profils complémentaires, Clémence sur le volet artisanal, et moi sur le volet gestion. Le développement en question a été un peu chamboulé : Clémence a été sollicité pour enseigner la botterie à Angoulême et, au moment où nous allions enfin démarrer notre collaboration, eh bien… le Covid a fait son apparition et a évidemment contrarié nos projets. Il s’est passé sensiblement la même chose mi-2020, avec un second faux départ, et nous avons commencé à nous poser quelques questions. Jusqu’à ce que l’on nous contacte à l’automne pour nous informer que les Chaussures de Gâtine étaient à reprendre.

 

Comment s’est déroulée cette reprise ? Qu’est-ce qui vous a convaincues de vous lancer ?

Nous n’étions pas tout d’abord dans l’optique de nous positionner mais l’idée a fait son chemin. Clémence était affectée de voir cette marque emblématique disparaître et après bien des rencontres et échanges, nous avons commencé à nous dire qu’il ne restait peut-être que nous pour reprendre la marque. Je crois que nous avons ressenti cela comme une nécessité. Après avoir visité la fabrique, nous avons pris notre décision un dimanche matin. On a contacté le mandataire, consulté les fichiers clients, établi un prévisionnel… bref, nous avons fait tout ce qui est nécessaire pour déposer un dossier de reprise auprès du tribunal. Fin février, nous avons eu la réponse… et les clés, dans la foulée.

 

Quelle équipe formez-vous ? Qui s’occupe de quoi dans votre société ?

Nous sommes très heureuses d’avoir pu conserver trois salariés déjà présents dans l’entreprise, qui travaillent en production. C’était important pour maintenir le savoir-faire et la qualité de fabrication qui ont fait la réputation de cette marque. Nous employons également une apprentie pour la communication et les réseaux sociaux. Clémence s’occupe de la production et de la gestion des achats et je prends en charge pour ma part le volet commercial et gestion.

 

Qu’est-ce qui distingue les « Chaussures de Gâtine » ?
Qu’allez-vous conserver et comment envisagez-vous votre évolution ?

Historiquement, les Chaussures de Gâtine ont fait leur réputation dans le milieu rural, pour leur confort et leur solidité. Les modèles sont connus pour leur double-couture de la semelle cousue, qui permet beaucoup de souplesse et garantit un ressemelage complet. C’est cette durabilité qui a assuré sa notoriété. L’éventualité de la disparition de cette marque avait d’ailleurs inquiété certains clients, et nous devons donc d’abord les rassurer : il n’y aura pas de révolution ! Les savoir-faire restent les mêmes, les modèles restent les mêmes. Nous souhaitons absolument maintenir les standards de la marque, la garder en l’état et la faire durer. Dans un premier temps, nous allons surtout nous attacher à asseoir cette notoriété, à rafraîchir l’image de la marque en communiquant sur ces qualités connues et reconnues, qui reviennent en force. Ce sera l’occasion de faire connaître plus largement notre gamme, qui ne se cantonne pas à des chaussures « rurales » : nous avons également des modèles plus citadins, d’autres qui sont parfaits pour le week-end…

 

 L’artisanat et le savoir-faire local, c’est un atout ou une contrainte ?

Actuellement, avec trois personnes pour reprendre une production qui était à l’arrêt à cause de la crise, je ne vous cache pas qu’il nous faut faire face à certains délais à combler. Travailler de manière artisanale pourrait donc être vu comme une contrainte. Mais je pense que c’est en réalité une force. Ce temps long est la garantie du soin que nous mettons toujours à produire des chaussures de qualité. Nos clients le savent et sont prêts à attendre un peu. Dans ce sens, miser sur un vrai savoir-faire artisanal, avec une qualité constante, est notre meilleur atout. Je peux vous assurer qu’autour de Parthenay, la nouvelle de la reprise des Chaussures de Gâtine a soulevé un réel engouement. C’est une part de patrimoine local, qui renvoie une image de fierté, et ça, c’est un atout incontestable.

 

 Avec quelles envies, et quelles valeurs, envisagez-vous cette aventure entrepreneuriale ?

Précisément avec ce que je viens de vous dire : de la fierté, de la confiance, de la fidélité à des savoir-faire, à des clients et à un territoire. La marque s’est construite sur des valeurs de durabilité, de solidité, d’accessibilité même, compte-tenu de leur durée de vie. Tout cela constitue une éthique, à laquelle nous entendons rester fidèles. C’est une sorte de pacte moral que nous créons avec nos clients. Ces notions d’ancrages, de proximité, de confiance, de liens, ce sont quand même des valeurs que l’on a vu revenir en force depuis ces derniers mois, non ?

 

Découverte des ateliers par les équipes du Crédit Mutuel Océan, partenaire financier des Chaussures de Gâtine.

Quelles sont pour vous les qualités qui font une bonne entrepreneuse ?

Il faut être un couteau suisse ! Il faut savoir être réactive, curieuse et être prête à trouver une solution à tout. Et, chose importante aujourd’hui, il faut être prête à communiquer autour son projet.

 

Enfin, quels conseils, ou quel message, aimeriez-vous faire passer à un/e entrepreneur/e sur le point de se lancer ?

Il faut se faire confiance, s’écouter, être attentif à ses sensations, ses émotions. Et dans le même temps, il faut savoir bien s’entourer, ne pas hésiter à rencontrer des avocats, des conseillers en entreprises, des banquiers, etc. Ce réseau est important pour vous aider à porter votre projet. Aucune porte ne doit rester fermée !

 

 

Merci Sophie, merci Clémence, et longue vie aux Chaussures de Gâtine et à ses artisans-bottiers !

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