Territoire d’émotions a déjà consacré un portrait à Samuel Vincent, directeur et programmateur du Freemusic et de Stereoparc – deux événements phares de notre été – qui ont tous deux été annulés, crise sanitaire oblige. Nous avons échangé avec Samuel – à distance – pour savoir comment il vivait la situation actuelle, qui affecte lourdement les acteurs culturels de notre territoire.

 

Samuel, quelle est, à ce jour, l’état de la situation concernant Freemusic à Montendre, et Stéréoparc à Rochefort ?Maintenant la situation est claire. Nous avons appris en deux temps l’annulation des festivals que nous organisons cet été. Tout d’abord Freemusic à Montendre et Cognac Blues Passions qui se déroulaient avant la mi-juillet. Puis Stereoparc à Rochefort qui devait se tenir les 17 et 18 juillet sur le site de la Corderie Royale. Malgré l’énorme déception que nous avons ressentie, ce sont des décisions sages au vu du contexte actuel et de l’impact de cette crise dans nos vies quotidiennes. Nous pensons aux personnes qui sont en première ligne dans ce combat comme les personnels soignants.

 

S’agit-il pour vous d’une annulation ou plutôt d’un report de programmation sur l’année prochaine ?
Nous parlons d’annulation des éditions 2020 mais nous pouvons aussi utiliser le terme de report si nous arrivons à conserver nos programmations. C’est en très bonne voie pour Stereoparc (avec des contacts maintenus pour Paul Kalkbrenner, Martin Solveig, Bakermat, Bellecour…) et Cognac Blues Passions. Pour Freemusic, c’est un peu plus complexe du fait de l’actualité respective des artistes mais les négociations sont en cours.

 

Quels devaient être les temps forts de ces deux éditions ?
Nous avions des objectifs un peu différents sur les deux événements de Charente-Maritime que sont Freemusic et Stereoparc. Nous avons créé Stereoparc en 2018. Nous nous sommes donné trois ans à cinq ans pour installer cet événement et trouver une stabilité financière. Nous l’avons quasiment atteint la deuxième année en ayant presque doublé les entrées. L’édition 2020 s’annonçait très bien avec des réservations bien supérieures à 2019.

Pour Freemusic, nous avions lancé une nouvelle ère avec la formule 3 jours en 2019 et un record de fréquentation à trente cinq mille entrées. Nous souhaitons affirmer et écrire un projet de développement pour ce festival ancré dans une zone naturelle protégée et dont les valeurs sociale, sociétale et environnementales sont très fortes. Nous devions créer notamment un village de bien-être et de sensibilisation, le FeelFree Village, et des activités tout le week-end pour fédérer notre communauté. Et ensuite nous souhaitions développer la programmation et le contenu de la zone camping et de la plage. Bien heureusement, ces idées et ces envies vont être mises en place dès 2021.

 

Quel moment, quel événement, vous a conduit à prendre la décision d’annulation ?
Dès le début du confinement et l’annonce de l’annulation des événements par l’État, nous n’avions aucune certitude sur la tenue possible des festivals. Alors, nous avons travaillé sur tous les scénarios possibles. Au fur et à mesure de l’évolution de l’épidémie, nous savions que les risques sanitaires et financiers devenaient trop importants pour permettre l’ouverture de nos manifestations culturelles. Nous avions planifié de prendre notre décision ferme fin avril mais le gouvernement à statué mi-avril ce qui nous a fixé sur notre sort.

 

Quel a été votre état d’esprit à ce moment-là ?
C’est un sentiment très contradictoire. A la fois, une très grande déception car nos événements se préparent en équipe pendant toute l’année et en même temps ce fut un soulagement car nous étions très inquiets sur notre capacité à mettre en sécurité sanitaire nos publics. Maintenant, nous commençons à ressentir un très grand vide qui va s’amplifier cet été  A titre personnel, je développe Freemusic depuis vingt ans et je dirige la production de Cognac Blues Passions depuis dix-huit ans. C’est une situation que je n’ai jamais connue et qui semblait inimaginable. Durant toutes ces années, nous avons annulé une seule fois une soirée à Freemusic pour cause d’intempéries. Mais des mois de manifestations annulées, c’est juste incroyable.

 

Quelle a été la réaction des équipes ? et celle des artistes ?
Les artistes sont forcément déçus car ce sont des moments exceptionnels. Se produire en festival est fort en émotion et l’ambiance est toujours différente. Pour les équipes, au delà de la frustration, j’ai ressenti une certaine fatalité et une pudeur car cela impacte tout le monde et il y a beaucoup de souffrance par ailleurs pour les personnes touchées par ce virus. Cependant, l’équipe s’est très vite projetée vers l’avenir.

 

Avez-vous reçu des soutiens ?
Nos partenaires publics et privés ont eu unanimement des réactions de soutien et de solidarité envers nous car chacun sait que nous avons perdu l’entièreté de notre investissement et de notre chiffre d’affaire de l’année. Leurs mots bienveillants traduisent la relation de confiance que nous essayons de construire depuis des années avec eux et nous montre que nous partageons les mêmes valeurs.

Par ailleurs, nous avons beaucoup échangé avec les autres festivals, le Prodiss – notre syndicat de producteur – et les tourneurs qui représentent les artistes pour échanger sur cette situation improbable. Une forte solidarité à tous les niveaux s’est mise en place dans notre secteur d’activité et cela m’a beaucoup rassuré de voir cet état d’esprit en situation de crise.

 

Comment envisagez-vous les mois à venir ?
Dans un premier temps nous nous assurons de pouvoir continuer notre activité, sauver les postes salariés et la structure. En parallèle, et c’est ce qui nous donne beaucoup d’énergie, nous nous projetons sur 2021 avec l’envie de faire les plus beaux festivals que nous ayons jamais faits.

 

Est-ce que, pour vous, cette situation inédite peut être l’opportunité de réfléchir, de se réinventer ?
C’est exactement l’état d’esprit dans lequel s’est mise l’équipe. Toute situation difficile doit nous apprendre beaucoup. C’est aussi du temps qui nous est offert. Nous travaillons énormément toute l’année et nous manquons parfois de temps pour imaginer ou innover aussi vite que nous le voudrions. C’est donc une opportunité pour nous de pouvoir réfléchir ensemble et écrire de nouvelles pages, de nouvelles manières de travailler. D’autant que nous nous sommes lancés dans un nouveau défi en 2019 en créant notre coopérative culturelle Belle Factory portée par des valeurs qui nous sont chères.

 

Merci, Samuel, bon courage à vous et à vos équipes ! Nous sommes impatients de vous retrouvez en 2021.

Retrouvez le portrait que Territoire d’émotions avait consacré l’an dernier à Samuel, programmateur inspiré et affûté, en suivant ce lien.

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